Foncier « Pour une réforme profonde et globale »
« Réformer le droit foncier rural : demander l’impossible ». Tel est le thème un brin provoquant du colloque organisé à Poitiers les 15 et 16 mars 2018, par le Centre d’études et de la coopération juridique interdisciplinaire.
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Ce colloque sur la réforme du droit foncier rural s’est ouvert ce 15 mars 2018 à Poitiers (Vienne) en présence de juristes, économistes, politiques, agriculteurs… L’occasion d’évoquer la refonte des outils existants. Alors même qu’une loi est en préparation sur la question foncière, les 300 personnes présentes, représentant des différents corps travaillant pour l’agriculture, se sont interrogées sur les difficultés soulevées et les réponses à apporter en la matière. « La réforme du foncier a toujours été d’actualité en France, mais cela a toujours été difficile, reconnaît Didier Veillon, spécialiste de l’histoire du droit. Un véritable fagot d’épines juridiques… »
Remplacer la Safer et le contrôle des structures
Pour Benoît Grimonprez, professeur à l’université de Bourgogne et membre de l’équipe enseignante à l’initiative de l’événement, l’important est de fixer le cap. « Je doute que la libéralisation totale des marchés soit un remède contre le mal de terre », lance-t-il en introduction des travaux. Refuser tout contrôle serait, selon lui, « une faute historique qui précipiterait notre modèle agricole vers la mort ». Et d’inviter à « une réforme profonde et globale. Pas un texte de circonstance pris sous le coup d’une émotion médiatique. »
Point de vue partagé par François Brenet, publiciste et exploitant agricole, qui dénonce « l’inefficacité » de la gouvernance actuelle de l’espace rural. Montages sociétaires pour contourner les contrôles, pluralité d’acteurs parfois en concurrence (Safer, EPF…), délais trop longs pour les autorisations… « Ce ne sont pas de simples ajustements dont l’espace rural a besoin mais bel et bien d’un véritable changement de modèle », insiste-t-il.
Le juriste va jusqu’à proposer de remplacer la Safer et le contrôle des structures par « une autorité de régulation du foncier », indépendante, nationale mais agissant localement, aux compétences élargies, avec une composition représentative de la société rurale et qui se financerait par l’impôt plutôt que sur les opérations réalisées. Le tout sous le contrôle du juge administratif.
Une loi en 2019, ou plus tard
Une idée à creuser pour les parlementaires ? Une dizaine de députés étaient présents à Poitiers pour suivre les débats. « Nous venons ici comme à une source, c’est pour nous une formidable opportunité », confie Dominique Potier, le député qui copréside la mission parlementaire sur le foncier, lancée il y a quelques semaines.
© A. Cardinaux/GFA
« Nous allons rompre avec ce que nous avons fait en pompier lors du précédent mandat pour engager une vraie réforme, assure-t-il. À quand cette loi ? Ce serait une immense victoire que d’avoir cette loi en 2019. Mais nous ne sommes pas à six mois près », ajoute-t-il, laissant entendre qu’un peu de retard pourrait être pris par rapport au calendrier politique initial.
Prendre son temps pour engager un travail de refondation, voilà sa motivation, mais « à une seule condition : que des mesures d’urgence puissent être prises en attendant ». Un parti pris salué par Denis Rochard, maître de conférences à Poitiers : « Quand on veut répondre dans l’urgence à un problème, on crée des monstres juridiques… »
Alain CardinauxPour accéder à l'ensembles nos offres :